Mon papa a la maladie d’Alzheimer
Voilà. C’est écrit. Noir sur blanc. Mon père a la maladie d’Alzheimer. Il a 77 ans. J’ai compris récemment que ne pas en parler, c’était un peu comme si je niais l’évidence. Alors aujourd’hui, j’en parle. Parce que cela n’a rien de honteux. Ça ne fait pas de mon père quelqu’un d’autre. Enfin, pas encore. Pour avoir beaucoup lu récemment sur cette maladie, je sais surtout une chose : on ne sait pas ce qui va se passer. Comment cela va évoluer. Ce qui va vraiment changer.
Comment nous avons compris
Je crois que les premiers signes d’alerte ont commencé en 2019, mais qu’on n’a pas trop su les interpréter justement. Et ce pour plusieurs raisons. Mon papa est sourd d’une oreille. Et c’est surtout une tête de mule qui refuse de porter son appareil auditif. Qui lui a pourtant coûté un bras. Mais voilà, il n’aime pas s’astreindre à des trucs qu’il ne veut pas faire. Ce rebelle. Quand c’est compliqué pour lui, il décide de ne pas le faire. Donc, on a pris l’habitude depuis des années de tout répéter. Parce que soit il n’écoute pas, soit il fait semblant de n’avoir pas entendu parce que ça ne l’arrange pas. Coquinou.
Alors les premiers signes sont passés un peu à la trappe, avec ce mélange de mauvaise foi et de flemme qui parfois le caractérise. Et quand ma sœur et moi, on avait parlé de nos quelques doutes à ma maman, celle-ci les avait vite dissipés parce que le docteur avait parlé de signes de vieillesse. À l’époque, il avait 72 ans, je trouvais ça un peu tôt pour la sénilité.
En Mars 2020, l’alarme s’est pourtant réenclenchée, et cette fois très fort dans ma tête. Le 10 mars, je suis rentrée, seule, en pleine semaine, pour enterrer mon papi, juste avant le confinement. La tristesse plombait bien évidemment l’ambiance. Les cœurs étaient lourds. Le matin de l’enterrement, au petit déjeuner, mon papa s’est levé comme une fleur, et grand sourire, dans la cuisine, s’est placé face à moi, a tapé joyeusement des mains en me demandant : « Alors, c’est quoi le programme du jour ? » Dès lors, avec ma sœur, nous avons noté tout ce qui nous paraissait « en décalage ». Et nous avons pris l’initiative d’appeler le médecin de famille. Nous lui avons tout détaillé. Bien sûr, quand mes parents le voyaient, ce ne sont pas des choses dont ils lui parlaient. Ça restait toujours factuel : reconduite d’ordonnance, petits bobos… Le doc a pris les choses en main. Il a prescrit à mon papa un parcours mémoire. Cela se fait en hôpital en service gériatrique ou neurologique. Durant une matinée, il a donc fait plusieurs tests et ateliers. La sanction est tombée. Maladie d’Alzheimer en stade précoce.
Le grand Al
Forcément, cela a secoué la famille d’apprendre ça, mais en même temps cela mettait un mot sur tous les signes (perte de notion du temps, oubli d’évènements récents, humeur changeante…). Alzheimer. Un nom chargé de peur, d’incertitudes, de doute. Pour ma sœur et moi, ça nous a bien entendu flippées et désarçonnées. Ma sœur habite en Australie. Je vis à 5h de route de mes parents. Notre premier réflexe a été d’imaginer rapatrier mes parents vers chez moi, d’autant qu’ils s’entendent parfaitement avec ma belle-famille, et n’ont plus grand monde à Besançon. Le docteur nous a prévenus : « C’est à double tranchant. Soit il vient et il s’adapte rapidement, et d’être en famille, ça peut l’aider. Soit il perd tous ses repères et plonge plus rapidement dans la maladie. »
Ma mère a préféré rester à Besançon. D’autant qu’il n’en était qu’aux prémices de la maladie. Il a donc été décidé que mes parents resteraient chez eux, pour ne pas perturber mon papa. J’aurais préféré l’autre option : difficile d’être présente avec la distance, les aider, et surtout seconder ma maman.
Que faire alors ?
Si cela touche un membre de votre famille, surtout, renseignez-vous. Avec ma sœur, on a lu beaucoup de choses, on s’est inscrites à des groupes FB consacrés à la maladie, on a aussi acheté des livres à notre maman, car elle ne se renseignait pas véritablement de son côté (le côté déni de la maladie est très fort au début). Ma sœur, de passage en France, a accompagné ma maman à l’association Alzheimer France de sa ville. J’ai moi-même récemment été, avec une longue liste de questions, rencontrer l’asso de Tours. La dame qui m’a reçue a été super, patiente, d’excellents conseils.
Ce que j’en ai retenu :
- N’attendez pas que la maladie s’aggrave pour agir : des aides sont possibles (APA), des intervenants peuvent venir à votre domicile (l’EMA équipe mobile Alzheimer ou l’ESA équipe spécialisée Alzheimer) et ce dès le diagnostic.
- Prévoyez un « Plan d’urgence » (comme ma sœur l’a appelé) pour seconder l’aidant ou si celui-ci a lui-même un problème de santé ; qui appeler, qui peut venir s’occuper de la personne malade pour ne pas la laisser seule. Avec ma sœur, ça nous a un peu rassurées d’avoir ce document de prêt, au cas où. Imaginons : ma maman part acheter du pain et se fait renverser sur la route. Elle doit aller à l’hôpital. Comment faire pour accompagner mon père – qui ne peut plus rester seul et paniquerait – le temps que je prenne le train et arrive ?
- Suivez rapidement la Formation aidants : pour avoir des clés sur comment aider la personne atteinte d’Alzheimer, mais aussi apprendre à gérer ses forces en tant qu’aidant. Je vois bien par exemple à chaque visite que ma mère est complètement épuisée, mais on a du mal à lui faire comprendre qu’elle doit prendre soin d’elle MAINTENANT. Mon papa est encore à un stade précoce de la maladie et elle s’épuise à tout faire pour lui ou sa place pour « le gâter ». Mais ce n’est bon ni pour lui (qui perd encore plus en autonomie) ni pour elle (qui s’épuise). Ça va être mon prochain cheval de bataille auprès d’elle : qu’elle fasse la formation pour mettre toutes les chances de son côté d’éviter l’épuisement mental dont tous les aidants finissent invariablement par souffrir. À savoir : même si vous n’êtes pas l’aidant direct, vous pouvez également suivre la formation pour avoir les clés pour communiquer efficacement. Personnellement, je vais suivre la formation en septembre.
- Ce qui m’amène au point le plus important : SOYEZ PRÉSENTS le plus possible pour le malade et son aidant si vous le pouvez. Offrez à l’aidant des parenthèses pour respirer : qu’il aille se promener, faire du shopping, aller à la piscine ou juste aller boire un café, et souffler. L’aidant devient peu à peu tout l’univers du malade, qui se repose sur lui en permanence. Et le malade devient lui aussi le monde de l’aidant, qui ne vit plus qu’à travers lui. Permettre à l’aidant de se retrouver de temps à autre est capital. Même s’il fait de la résistance. Je vois bien maman qui a du mal à se détendre pendant une séance shopping, même si mon papa n’est pas seul à la maison. Elle culpabilise « Et s’il avait besoin de moi » ? C’est pour cela que les antennes France Alzheimer propose aussi des journées répit, où l’aidant peut venir avec le malade, qui sera encadré sur place. L’aidant peut aussi demander à avoir des séances individuelles avec un psychologue de l’association.
- Demandez à la Sécurité Sociale de passer en Affection Longue durée et faites la demande pour un macaron Place handicapée, bien utile quand la personne sera moins mobile.
- Renseignez-vous pour les ehpad autour de chez vous dès maintenant. La première étape peut être aussi une résidence seniors (type Domitys) : si le malade est en couple et que son conjoint est capable de s’occuper de lui seul, c’est une bonne option pour soulager l’aidant (cadre sécurisé, aide au ménage, restaurant dans la résidence, etc.). Tout dépend aussi des moyens !
- Enfin, commencez à penser à l’administratif, surtout si le malade est encore en capacité de prendre des décisions pour la suite de sa vie : directives anticipées (comment envisage-t-il sa fin de vie ?), se renseigner auprès d’un notaire sur les mesures judiciaires (curatelle, tutelle) à mettre en place pour quand le malade ne pourra plus prendre de décisions (vendre un bien immobilier par ex)…
Tu l’auras compris, avec la Maladie d’Alzheimer, il faut toujours avoir un coup d’avance !
8 commentaires
Rondeastucieuse
Coucou courage à toi et à toute la famille.
Audrey
Merci <3 et à toutes les familles qui vivent avec cette terrible maladie.
Girls n Nantes
tellement désolée pour toi et ta famille
ma grand mère en a souffert et c’est pas simple
je t’envoie toutes mes pensées
Audrey
Oui c’est assez rare finalement les familles qui n’ont pas été touchées. Des bisous
DURMAN Serge
Coucou, Audrey.
C’est difficile de voir ses parents vieillir, notamment quand la maladie s’invite en eux.
Je vous souhaite à toutes les trois, ta maman, ta soeur et toi beaucoup de courage.
Bisous.
Serge
Audrey
Merci Serge pour ce gentil mot de soutien !
Mathilde Littéraire
J’en suis désolée pour toi,
courage et soutient à ton papa et ta famille
Audrey
merci de ton soutien !