Le passager du 14/18
Le train fonce sur la voie à toute vitesse. Plein. Il va gaiement, sur sa lancée, pour une destination rêvée. Les passagers ont le sourire. Il fait beau et par la fenêtre, le soleil vient caresser la joue du petit passager du siège 14/18.
Il vient de se réveiller, mais sa maman n’est plus à côté de lui. Bizarre. Il hésite un instant. Est-ce qu’il doit l’attendre ? Est-ce qu’il doit la rejoindre quelque part ? Peut-être est-elle aux toilettes, ou partie acheter quelque chose au wagon restaurant. Il attend, mais sa maman ne revient pas. Il regarde la dame, assise sur le siège de l’autre côté de l’allée. Elle lui sourit. Un sourire doux, triste. Plein d’amour.
– Vous avez vu ma maman ?
Elle ne répond pas, l’air désolée.
Dehors, le ciel se voile. Le petit passager se sent un peu bizarre. Il se lève. Regarde devant, derrière. Il se rend compte qu’il est au premier wagon du train. S’il le remonte, il va forcément trouver sa maman. Sa décision est prise. Il prend son petit sac à dos et s’avance dans l’allée.
Alors qu’il progresse vers l’avant du train, il se rend compte d’une chose : les wagons sont vides. C’est étrange, sur le quai, il lui avait semblé qu’il y avait foule. Et là, personne. Il se retourne, entre-aperçoit la dame de son wagon. Elle est debout, on dirait qu’elle tend les bras vers lui, qu’elle dit quelque chose, mais il ne l’entend pas. Sa silhouette est un peu floue. Il se frotte les yeux.
– Maman ?
Il appelle, un peu perdu.
Le wagon suivant, toujours personne. Dehors, la pluie commence à tomber. Il se sent triste, tout à coup. Wagon suivant. Il frissonne en passant la porte. Il fait froid ici.
Il entend la voix de sa maman, sourde. Elle aussi a l’air triste. Il l’appelle, mais on dirait qu’elle ne l’entend pas. Au fur et à mesure qu’il avance, il a l’impression de devenir plus petit. C’est très étrange comme sensation.
Il est arrivé au bout du train. Il se met à pleurer doucement. Pourquoi ne l’a-t-il pas croisée ? Est-ce qu’elle est descendue du train ? Il entend comme une chanson, au loin. Il se sent fatigué alors il s’assoit sur une banquette. Petit, il se sent si petit. Si fatigué. Il se couche, se recroqueville sur lui-même.
Une pensée étrange le traverse : et si sa maman, c’était la dame du premier wagon ? L’aurait-il oubliée ? Est-ce qu’elle va l’oublier, lui ? Il revoit son sourire, triste, mais aussi plein d’amour. Non, elle ne l’oubliera pas. Jamais. Rassuré par cette pensée, il s’endort.